QUEL AVENIR POUR CES ENFANTS DE CITÉ SOLEIL IMPLIQUÉS DANS DES GANGS? (5eme partie)


Haïti-Observateur 11-18 février 2015
Par Rosie Bourget

Après avoir présenté quatre rubriques consécutives traitant le phénomène de gangstérisme, vous avez certainement une idée du cadre dans lequel vivent les 400 0000 habitants de Cité Soleil. Les tas d’ordures jonchent la ville, les égouts à ciel ouvert charrient les ordures venues de Port-au-Prince et toutes les agglomérations sur les collines qui entourent la ville. S’il pleut beaucoup, l’eau chargée d’ordures envahi ce bidonville construit sur une immense décharge. Au cours de notre étude, notre équipe a rendu visite à plusieurs habitants du quartier Cité soleil, Cité Carton et l’Éternel, Trois Bébés, ou Cité Lumière. Partout c’est le même désastre. Ils ont empilé quelques parpaings ou quelques tôles. La plupart de ces « habitations » avaient à l’intérieur 20 à trente centimètres d’eau pourrie. Évacuée, elle revient aussitôt. Les gens n’ont pas d’autres choix mais de vivre dans cette condition infrahumaine. Les moustiques y prolifèrent. Les conditions d’hygiène sont lamentables. La prostitution infantile bat son plein. La moitié des habitants souffrent de malnutrition, beaucoup d’enfants meurent de faim.
Les groupes d’enfants de la Cité Soleil s’organisent généralement d’eux-mêmes par tranche d’âge avec un chef à leur tête. Chaque groupe fait partie d’un groupe plus important qui est contrôlé par un chef de quartier. En recourant aux intimidations, aux menaces et aux violences physiques et sexuelles, ces chefs imposent une loyauté à leur égard et exercent un contrôle sur les plus jeunes. Dans la plupart des cas, la police et l’armée Onusienne ne protègent pas les plus jeunes de la violence exercée par les hommes et les garçons de la cité plus âgés. Ticameau, un garçon de 12 ans vivant dans les rues de Cite Soleil, a expliqué que son groupe immédiat comptait quinze membres vaguement organisés et dirigés par un “chef.” D’après ce qu’il dit, les garçons de son groupe travaillent ensemble, partageant la nourriture et leurs ressources. Leur groupe fait partie d’un groupe plus grand qui opère à proximité du marché de Tabarre. Ticameau estime à soixante ou soixante-dix le nombre de garçons qui composent ce groupe plus large, lequel est dirigé par un chef adulte.

Un ex-chef d’enfants de la Cité Soleil, aujourd’hui dans la trentaine, nous a décrit comment il brutalisait les garçons plus jeunes; entre autres, il battait et intimidait les nouveaux recrus pour leur apprendre à le respecter, lui et la hiérarchie de la rue, et il leur prenait de l’argent pour s’acheter de la nourriture, de la drogue ou d’autres choses. Les filles de la Cité peuvent avoir des relations sexuelles en échange d’un peu d’argent. Beaucoup ont été victimes de viols et d’agressions sexuelles, parfois de viols collectifs répétés, et un enfant de la rue peut donc aussi accorder ses faveurs à plusieurs membres de son groupe immédiat en échange de leur protection contre les hommes et les garçons plus âgés.

Rares sont les filles de Cité Soleil n’ayant pas été victimes de viol. Nous avons eu la chance d’interroger plusieurs d’entre elles qui nous ont dit comment cela s’est passé et du coup, qui sont séropositives. Cela prend du temps mais avec une aide psychologique, les filles s’ouvrent et finissent par parler des viols et des sévices qu’elles ont subis. Les filles qui se sont prostituées pendant quelque temps ont des difficultés à s’adapter aux études et à la vie dans la cité. Beaucoup partent et retournent dans la rue. Elles sont habituées à recevoir de l’argent pour des activités sexuelles.

Même dans les cas de rapports sexuels consentis, les filles disent qu’elles n’utilisent pas souvent de préservatifs, soit parce que leurs partenaires refusent, soit parce que leur usage réduit la somme qu’elles recevront, ou encore parce qu’elles ne peuvent pas en obtenir. Le risque de contracter des MST, notamment le VIH, est donc très élevé. L’étude que j’ai réalisée m’a permis de révéler que les filles qui ont des relations sexuelles avec des hommes ou des garçons de la rue mentionnaient parfois cinq partenaires par jour, sans utiliser de préservatifs.
Rosalie, quinze ans, est partie de chez elle à l’âge de dix ans lorsque ses parents sont morts et elle vit aujourd’hui avec un groupe de filles à Cite Soleil. Elles partagent la nourriture, dorment en groupe pendant la journée et elles se livrent à la prostitution la nuit. Elle a nous raconté aux qu’elle pouvait aller avec trois ou quatre hommes chaque nuit et pouvait gagner de 1000 à 2000 dollars haïtiens. Le montant qu’elle reçoit dépend de l’usage ou non de préservatifs. Elle essaie d’insister pour que ses clients utilisent un préservatif chaque fois. Elle nous a confié, « Parfois des hommes arrivent et me prennent de force et après, ils partent sans laisser d’argent. Cela arrive souvent… J’ai commencé ce travail lorsque j’avais dix ans. Ce n’est pas une belle vie. Je préférerais aller ailleurs et étudier si j’avais les moyens. » dit-elle.

Gracieuse a commencé à faire commerce de son corps à l’âge de 9 ans. Elle nous a dit qu’elle pouvait gagner jusqu’à 500 gourdes par nuit. Elle a dénoncé des abus sexuels commis par des hommes plus âgés qui profitent de sa position de vulnérabilité. « Ce sont des hommes qui arrivent en voiture, ils ont des rapports avec vous, puis ils vous laissent sans argent. Il y a d’autres hommes qui viennent et qui nous battent. Ils volent notre argent, nous tirent les cheveux ou prennent nos vêtements. Les policiers et les soldats onusiens ne nous importunent pas de la même façon. Parfois, ils nous offrent de l’argent, d’autres nous donnent rendez-vous pour nous payer la prochaine fois. »…(à suivre).

r_bourget@yahoo.com
MTS (Maitrise en Travail Sociale)

Quel Avenir Pour Ces Enfants De Cité Soleil Impliqués Dans Des Gangs ? (6eme et dernière partie)


Haïti-Observateur 18-25 février 2015
Par Rosie Bourget

À l’instar des filles vivant dans les rues de Cité Soleil, les garçons risquent également de subir des abus sexuels et beaucoup ont été victimes de viols commis par des hommes et des petits garçons de la cité plus âgés. Les plus jeunes et ceux qui viennent d’arriver dans la rue sont particulièrement exposés aux agressions sexuelles. Certains cas de viol d’enfants de Cité Soleil font partie du bizutage ou “baptême de feu”. Beaucoup se montrent réticents à parler de la violence sexuelle, réticence encore exacerbée par la stigmatisation et le sentiment de honte car les relations homosexuelles sont considérées comme taboues en Haïti, comme dans de nombreuses régions du pays. Certains garçons avec lesquels nous avons parlé ont toutefois accepté de parler des abus sexuels qu’ils avaient subis dans la rue. Aucun d’eux n’avait officiellement dénoncé le viol ou cherché une aide médicale, en partie, ont-ils expliqué, parce qu’ils étaient trop gênés de signaler ces actes ou ils sentaient que la police ne ferait rien ou pire, qu’elle se moquerait d’eux.

Jean Ronald, onze ans, est parti de chez lui après le décès de sa mère lorsqu’il avait neuf ans. Il a vécu dans les rues de Cité Soleil pendant pratiquement deux ans, avec un groupe de six garçons qui avaient à peu près son âge. Il passait son temps à aider les marchandes de « chen janbe » qui lui donnait à manger, et à jouer avec ses paires. La nuit, ils prenaient leurs boîtes en carton et dormaient aux abords des églises et des bâtiments abandonnés. Jean Ronald nous a raconté que les garçons plus âgés venaient et le sodomisaient, le considérant comme leur “femme.” « Cela m’est arrivé souvent. Parfois on nous promettait de la nourriture ou de l’argent si on était d’accord pour faire cela mais je n’ai jamais rien reçu. D’autres fois, je les laissais me sodomiser en échange de leur protection ou pour partager des espaces pour dormir. C’étaient des hommes différents à différents moments, pas toujours le même homme. Ils n’utilisaient jamais de préservatifs. Quand ils me sodomisaient, cela pouvait faire très mal et me faire beaucoup souffrir. Je prenais souvent de la drogue, comme ça je n’y pensais pas trop. »

Savez-vous qu’une relation parent-enfant inadéquate est l’une des caractéristiques familiales des jeunes à risques d’adhésion aux gangs ? Une approche véritable, compréhensive et terre à terre, jumelée à des programmes d’intervention sociale sont souvent des solutions contre les gangs de rue au sein de communautés défavorisées. Savez-vous comment déterminer si votre enfant est impliqué dans un gang ? Il faut remarquer certains signes mais la clef est d’avoir une bonne communication avec son enfant.

Comment réagir lorsque l’on se fait appréhender par un gang ? Dans la plupart des situations, il ne faut jamais résister, éviter toute altercation et essayer de s’échapper au plus vite de cette situation. Comment aider un ami ou être cher qui a adhéré à un gang ? Il est important de savoir qu’il y a plusieurs ressources disponibles afin de venir en aide à un ami qui veut sortir d’un gang.

Pourrions-nous éviter certains problèmes de violence en investissant dans l’éducation et la prévention ? Certainement. Le droit à l’éducation est garanti par de nombreux instruments internationaux des droits de l’homme, notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948), le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Convention relative aux droits de l’enfant.

Ces instruments précisent que l’enseignement primaire doit être “obligatoire et accessible gratuitement à tous.” Unique parmi tous les droits garantis dans le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le droit à l’enseignement primaire est soumis à une disposition spéciale qui oblige l’État “à établir et à adopter un plan détaillé des mesures nécessaires pour réaliser progressivement, dans un nombre raisonnable d’années fixé par ce plan, la pleine application du principe de l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous.

Comme il est expliqué dans le présent rapport, de nombreux enfants ont commencé à chercher du travail ou à passer du temps dans la rue parce qu’ils n’étaient pas à l’école. Le taux élevé de décrochage scolaire et la proportion importante d’enfants en particulier de filles qui ne fréquentent jamais l’école est un sujet de préoccupation grave pour le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, qui a relevé qu’en pratique, l’enseignement primaire n’est pas gratuit en Haïti et que les frais de scolarité, les uniformes et le matériel restent trop onéreux pour la plupart des familles. Les frais de scolarité ou autres frais connexes ne devraient jamais mener à la négation du droit à l’éducation ni inciter les enfants à se tourner vers la vie dans la rue. S’il veille à ce qu’un maximum d’enfants puissent aller à l’école en réduisant progressivement, puis en éliminant les frais de l’enseignement primaire qui constituent un obstacle, le gouvernement haïtien pourra remplir ses obligations sur le plan des droits humains et contribuer à empêcher de futures générations d’enfants d’échouer dans la rue.
Pour conclure notre série, on peut dire que la situation des habitants de Cité Soleil est précaire. Les enfants de cette ville vivent dans la saleté et l’insécurité totale. Ils n’ont pas de droits et n’ont pas accès à l’éducation, aux soins de santé ou à la sécurité. Ils sont victimes de différents types de violence. Ils sont battus et reçoivent des coups de pied, ils sont victimes de violence sexuelle, tant les garçons que les filles, et ils sont confrontés au risque d’exploitation économique. Les bandits et les gangs, les criminels notoires et l’armée onusienne usent et abusent de ces enfants. Les filles sont particulièrement exposées au viol et aux agressions sexuelles des militaires onusiens et des sentinelles qui gardent les bureaux et les bâtiments la nuit.
Cependant, en dépit de toutes difficultés, tout n’est pas perdu à Cité Soleil, il suffit de créer des liens et un pont de communication durable entre les jeunes et les instances concernées telles, les ministères des affaires sociales, de la jeunesse et au sport, y compris le ministère à la condition féminine pour encadrer les filles. Je suis certaine qu’il y a encore de l’espoir, les autorités haïtiennes sont capables de se prendre en main. Il est essentiel que nous travaillions tous ensemble à créer un monde meilleur pour ces jeunes de Cité Soleil qui le méritent, mais aussi je suis fermement convaincue que l’entraide, la coopération, le sentiment d’appartenance et la volonté qui nous lie avec ces enfants en péril ne peut que croître avec les années. Pour contrecarrer le gangstérisme, donnons à nos jeunes des alternatives. Ensemble, nous pouvons faire la différence pour le bien-être de ces enfants impliqués dans les gangs, qui, à coup sûr représentent l’avenir d’Haïti.

Cité Soleil n’est qu’un bidonville parmi tant d’autres, par contre, pour que ces jeunes puissent bénéficier d’une vie meilleure, il faut des gens qui œuvrent pour créer un environnement de qualité pour que la population vive plus sereinement agissent avec conviction et détermination. Afin de sensibiliser les gens au phénomène des gangs, il est primordial d’en parler et de poser des gestes afin d’aider à en diminuer les conséquences. Ensemble, nous allons faire une différence dans la vie de ces jeunes qui n’ont d’autres recours que le gangstérisme.

Ici prend fin notre série d’articles relatant les conséquences du gangstérisme sur les jeunes vivant dans le quartier le plus réputé des violences qu’est, Cité Soleil. Nous vous remercions de nous accorder non seulement votre précieux temps, mais aussi de votre intérêt de nous lire chaque semaine, car considérant notre emploi du temps, publier un documentaire d’une telle envergure, de plus de 20 pages (8 ½ x 11) en six semaines consécutives n’est pas une mince affaire. C’est un travail de titan. Au cas où vous seriez intéressé à faire provision de connaissance, à lire d’avantage d’articles sur le même ou d’autres sujets, nous vous invitons à visiter notre nouveau blog : http://unpeudetoutblog.com

r_bourget@yahoo.com
MTS (Maitrise en Travail Sociale)

QUEL AVENIR POUR CES ENFANTS DE CITE SOLEIL IMPLIQUÉS DANS DES GANGS? (4ème partie)


Haïti-Observateur 28 janvier – 4 février 2015

Par Rosie Bourget

Un milieu socio économiquement défavorisé, un cadre familial instable ou même violent, des difficultés scolaires et plus tard d’intégration au milieu de l’emploi sont des facteurs qui, plusieurs en conviendront, décrivent le parcours des personnes aux prises avec une multitude de problèmes psychosociaux. En effet, ce sont à peu de choses près ces mêmes facteurs qui sont associés à l’itinérance, à la délinquance ou même à la dépression. Néanmoins, il va sans dire que toutes les personnes connaissant de telles difficultés ne finissent pas par joindre les rangs des gangs. Il semble, d’une part, que certaines personnes plus que d’autres soient attirées par la perspective d’adhérer aux gangs et que, d’autre part, les gangs soient plus intéressés à recruter certaines personnes plutôt que d’autres. Quoi qu’il en soit, l’appartenance aux gangs n’est le fait que d’un nombre restreint de personnes.
Sur la base d’une recension systématique de la documentation scientifique relativement récente, Klein et Maxson (2006) ont organisé l’ensemble des caractéristiques personnelles susceptibles d’influencer l’intégration aux gangs de rue en sept grandes familles : les événements de vie négatifs, une faible estime de soi, les comportements et manifestations liés à l’internalisation (anxiété, dépression), les problèmes de comportement en général, les croyances antisociales, l’implication dans les activités conventionnelles ou prosociales et les attitudes faces à l’avenir. Des sept familles de facteurs recensés dans la documentation scientifique récente, seuls les événements de vie négatifs et les problèmes de comportement en général étaient associés à l’intégration dans les gangs tant dans les études longitudinales que transversales.
Par ailleurs, la synthèse indique que les croyances antisociales reçoivent un appui empirique partiel. Les travaux portant sur les problèmes d’internalisation, la participation à des activités conventionnelles et les attitudes face à l’avenir ne donnaient, quant à eux, pas de résultats concluants. Les nombreux travaux portant sur les problèmes d’estime de soi indiquaient dans la grande majorité des cas qu’ils ne parvenaient pas à discriminer les délinquants impliqués dans les gangs des délinquants ne faisant pas partie de tels groupes. Les facteurs susceptibles de discriminer les membres des non-membres sont donc des facteurs traditionnellement associés à la délinquance grave et persistante.
Les personnes associées aux gangs comptent un nombre important de facteurs de risque. Elles proviennent de familles généralement désorganisées, parfois même violentes et qui n’offrent que peu de surveillance. Elles ont aussi tendance à habiter des quartiers défavorisés. Les jeunes qui décident de joindre les rangs ont par ailleurs plus tendance à éprouver des problèmes d’externalisation, voire des structures psychopathiques de personnalité, principalement caractérisées par du détachement émotionnel et des difficultés à être empathiques. Par ailleurs, leurs performances et leur fonctionnement scolaires sont faibles et leurs perspectives d’intégration à l’emploi, même s’ils choisissaient de préconiser cette voie, sont peu reluisantes.
Néanmoins, ces facteurs de risque ont aussi tendance à caractériser bon nombre de délinquants qui ne sont pas associés aux gangs. Comme l’exposition à divers facteurs de risque dans différents domaines augmente de manière importante les vulnérabilités à une panoplie de difficultés et de problèmes (Rutter, 2006), nous pouvons nous demander si l’accumulation de ces facteurs de risque joue de manière cumulative sur le risque d’adhésion. En fait, plus le nombre de facteurs de risque augmente, plus la probabilité d’adhérer aux gangs augmente. En résumé, les travaux sur l’effet cumulatif des facteurs de risque indiquent que, plus ceux-ci sont nombreux, plus la probabilité de commettre des délits et de se joindre aux gangs augmente. De plus, l’effet cumulatif des facteurs de risque est d’autant plus important qu’augmente le nombre de domaines criminogènes touchés par ces facteurs de risques.

En somme, les travaux visant à décrire les personnes associées aux gangs sont particulièrement cohérents. Ces personnes sont principalement de jeunes hommes, quoique les jeunes femmes, moins nombreuses, y jouent la majeure partie du temps un rôle secondaire. Les personnes associées aux gangs sont plus jeunes (on ne peut toutefois pas statuer à l’heure actuelle si ce constat est lié au fait qu’elles sont recrutées plus tôt ou simplement parce qu’elles sont judiciarisés à un plus jeune âge), que la moyenne des délinquants. Toutefois, les personnes les mieux intégrées aux groupes sont de plus en plus âgées. Ces personnes proviennent pour la majorité de milieux familiaux instables et désorganisés, où l’encadrement et le contrôle parentaux font défaut. Elles ont aussi été aux prises avec des problèmes scolaires et accusaient déjà des retards dans leur cheminement. Ces retards sont souvent associés au décrochage scolaire et à des difficultés à intégrer le monde du travail.

Du point de vue personnel, les personnes associées aux gangs ne se distinguent pas notablement des autres délinquants. Ce sont généralement des personnes qui ont commencé tôt à avoir des problèmes de comportement, et qui partagent beaucoup de caractéristiques avec les délinquants que certains qualifient d’externalisés ou qui ont de fortes tendances psychopathiques. Ces tendances les pousseraient à se joindre aux gangs et à s’acclimater sans trop de difficulté au climat de violence et aux valeurs délinquantes qui ont cours dans ces groupes. L’étude de la délinquance et de l’association aux gangs indique que les facteurs de risque ont un effet cumulatif important, ce qui signifie que, plus le nombre de facteurs est élevé et plus il touche un grand nombre de sphères de vie, plus les personnes sont susceptibles d’adhérer aux gangs, ou plus les gangs sont susceptibles de les recruter.

Les enfants de la rue de Cité Soleil sont souvent les premiers à être soupçonnés lorsque de l’argent ou des biens sont volés, ou bien un enlèvement est fait dans un quartier où ils se rassemblent. Au cours des quinze dernières années, de nombreux facteurs socio-économiques, complexes et étroitement liés, ont conduit à une explosion du nombre d’enfants de la rue en Haïti. Ces facteurs sont notamment mais pas exclusivement: le séisme du 12 janvier 2010, qui a fait un nombre incalculable d’orphelins et d’enfants abandonnés; l’énorme quantité de personnes déplacées; une nette détérioration des services publics essentiels, qui a entraîné un accroissement de la pauvreté et du chômage; une urbanisation rapide et le démantèlement des structures traditionnelles de soutien que procurait la famille étendue en Haïti; la difficulté pour certaines femmes de prendre en charge une famille monoparentale et de certains enfants plus âgés d’assumer en tant que chefs de famille; l’impact du VIH/SIDA sur la société; et l’impossibilité pour les parents de payer les frais de scolarité et autres frais connexes.
Bien que leur nombre exact demeure inconnu, on estime que 7.000 enfants vivent dans les rues de Cite Soleil et des dizaines de milliers d’autres dans d’autres zones urbaines. Les nombreux adultes et enfants vivant dans les rues des villes partout dans le pays constituent une sous-classe urbaine croissante, avec ses propres dirigeants adultes qui exercent un contrôle étroit sur de grands groupes, parfois concurrents, de gens de la rue, et avec un langage propre, qui comprend des termes et un lexique qui ne sont utilisés que par elle. Certains hommes et femmes, qui ont grandi dans la rue, ont des enfants à eux et élèvent ainsi une deuxième génération, et en Haïti parfois une troisième génération, d’enfants de la rue qui ne connaissent rien d’autre de la vie que la rue.
De nombreux parents et enfants interrogés pour le présent rapport ont souligné que l’impossibilité pour les parents de payer les frais de scolarité et autres coûts liés à l’enseignement primaire était l’une des raisons pour lesquelles les enfants commençaient à passer du temps dans les rues. Les habitants de Cité Soleil, nous ont déclaré que “beaucoup de parents ne peuvent pas payer l’éducation de leurs enfants. Ces enfants restent chez eux sans avoir rien à faire et très vite, ils vont dans la rue pour chercher du travail dans les gangs. Ils peuvent facilement être exploités par des adultes qui les paient très peu, souvent pour des tâches très dures. Ou ils commencent à fréquenter des enfants qui vivent dans la rue depuis quelque temps. Ils risquent de commencer à boire de l’alcool, à se droguer ou à commettre des délits. Une fois habitués à la vie de la rue, ils quittent leur foyer et rejoignent des gangs de délinquants de rue.”

À l’image de nombreux enfants de la cité que nous avons interrogés, Josué nous a raconté qu’une fois qu’il avait abandonné l’école, il avait commencé à explorer la vie dans la rue. “J’ai dû arrêter l’école après avoir terminé ma troisième année. Mes parents ne pouvaient plus se permettre de payer les frais scolaires, donc j’ai commencé à fréquenter la rue à la recherche de quelque chose à faire. La vie ici à Cité Soleil est dure, il n’y a jamais assez à manger et j’ai faim. J’aimerais bien retourner à l’école et poursuivre mes études, mais comment le faire dans de telle condition.”

Selon les témoignages recueillis, la survie de beaucoup d’enfants de Cite Soleil dépend de leur capacité à trouver du travail dans l’industrie du gangstérisme pour gagner de quoi s’acheter à manger. Certains transportent des marchandises, vendent de la nourriture, travaillent dans des restaurants et des maisons, chargent et déchargent des bus affectés au transport des passagers ou effectuent d’autres travaux temporaires en échange d’argent ou de nourriture. D’autres se livrent à des activités dangereuses ou illégales telles que le vol, semer la terreur dans la Cité, la prostitution ou encore la vente de drogue et d’alcool. Certains adultes ont pitié de ces enfants et leur permettent d’effectuer des travaux pour eux en échange d’une somme raisonnable. Mais d’autres tirent profit d’eux, les payant moins que des adultes car ils savent que ces enfants n’ont guère le choix.

Plusieurs enfants de Cité Soleil nous ont avoués qu’ils se livrent à des activités louches. Outre les brutalités exercées par les chefs de gangs, les hommes et les garçons plus âgés vivant dans la cité agressent également les enfants plus jeunes. Entre autres violences physiques, les enfants disent être battus, frappés à des coups de pied, brûlés et attaqués au couteau. Les menaces et les actes de sévices corporels perpétrés sur les enfants de Cité Soleil semblent servir deux objectifs. D’une part, les brutalités sont souvent accompagnées d’un vol au cours duquel les plus jeunes sont obligés de remettre le peu d’argent dont ils disposent ou leurs maigres possessions qui font l’objet de convoitise. D’autre part, ces actions sont également importantes dans le sens où elles instaurent un contrôle et établissent une hiérarchie dans la Cité Soleil….(à suivre).
r_bourget@yahoo.com
MTS (Maitrise en Travail Sociale)

Secrets and Lies


Super!!!

Le journal d'une makroutgirl

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Je ne sais pas si vous aussi vous avez regardé « Secrets and Lies » lundi soir sur France 2. Pour ma part je l’ai vu en différé et…j »ai adoré!

J’avais l’impression de me replonger dans « Broadchurch », qui a fait un carton l’an dernier sur la même chaine. Mais cette fois on change de paysages, car on passe du côté sauvage des falaises britanniques à la ville de Blackwell Crescent en Australie. Encore un autre voyage, un suspens bien distillé, une musique qui accentue le côté angoissant de la série. Encore le cadavre retrouvé d’un jeune garçon, cette fois pas sur la plage mais dans la forêt, et un père sur lequel tous les soupçons semblent pointer, certainement à tort…Ben Gundelach( très bon Martin Henderson) est le voisin de la victime, mais n’est-il que ça finalement?

Et détrompez-vous, j’ai bien dit « encore » mais je n’ai pas eu l’impression de voir une…

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