Haiti-Observateur 24-31 mai 2017
Par Rosie Bourget
Durant l’automne, s’il y a des mois qui sont plus chargés que d’autres, le mois de mai est en tête de liste. A l’affiche on trouve : fête internationale du travail (sauf aux États-Unis où cette fête a lieu en septembre), fête des mères à l’haïtienne et à l’américaine, jour de l’Ascension, saison de remise des diplômes, le mois du patrimoine culturel haïtien, le mois de Marie, le mois des esprits malins, pour ne citer qu’eux. En dépit de tous ces événements qui se déroulent à la même époque, ce billet de circonstance se concentre uniquement sur l’importance du patrimoine culturel haïtien.
C’est quoi la culture.
Cicéron est le premier à appliquer le mot « culture » aux choses de l’esprit ou à l’âme (animus) : « Un champ si fertile soit-il, ne peut être productif sans culture, et c’est la même chose pour l’âme sans enseignement » (Tusculanes, II, 13). Cette « culture de l’âme » est synonyme de ce que Cicéron appelle par ailleurs les « humanitas », cela même que les grecs appelaient paiedeia, terme qui désigne « le traitement à appliquer aux enfants pour qu’ils deviennent des hommes ».
Par définition
La culture, c’est ce qui s’ajoute à la nature. Elle recouvre tout ce par quoi l’existence humaine apparaît comme s’élevant au-dessus de la pure animalité, et plus généralement tout ce qui élève l’homme au-dessus de la simple nature. La culture qui caractérise l’humanité peut être considérée soit comme un état des facultés, soit comme un système de fonctions ou de pratiques, soit comme processus qui peut être étudié ou bien à l’échelle de l’individu ou bien à celle de l’humanité. Généralement on oppose la nature et la culture pour distinguer ce qui est inné de ce qui est acquis. Tandis que la nature d’un être se transmet par hérédité, la culture se transmet par héritage. La culture désigne les attitudes, les croyances, les mœurs, les valeurs acquises et transmises par l’éducation.
Chaque personne apporte sa pierre à l’édifice pour mieux cerner cette notion interdisciplinaire. Nous nous interrogeons ainsi sur la place à accorder à la culture haïtienne à l’étranger et dans le milieu scolaire. Certains haïtiens vivant à l’autre bout du monde, font quant à eux de la culture un ingrédient dans la recette de la créativité, avec le travail et la méthode. Dans un tout autre domaine, on se rend compte dans les communautés haïtienne et hispanique de « Little Haïti et Little Havana » de Miami, la culture devient une nécessité à leur survie. Mettant entre parenthèses leur souffrance, elle leur permet de recréer une communauté humaine par le partage et de restaurer un sentiment d’appartenance.
La culture ne se limite pas à une compilation de connaissances figées d’une culture souvent élitiste. Au contraire, la culture est généreuse et bienveillante, elle accueille aussi bien ce qui est nouveau et nous touche au quotidien. C’est une dynamique des savoirs qui permet de dégager un sens existant ou possible dans chaque connaissance. Plutôt qu’une lecture anxieuse de manuels, la culture est le programme de toute une vie.
Qu’en est-il de la culture haïtienne ?
La culture haïtienne n’est pas un fait divers. Elle est tellement ancrée dans l’âme des Haïtiens qu’on dit que l’on peut sortir un haïtien d’Haïti, mais on ne peut sortir Haïti d’un haïtien. Si certains nous considèrent d’un côté comme des « barbares ou des sauvages » et de l’autre « des illettrés », une chose est sûre, nous ne sommes pas dépourvus de culture. La culture haïtienne s’incarne dans des institutions et des œuvres, des paroles et des actes, ce qui est le reflet de la beauté intérieure de notre société.
L’appréciation de la culture haïtienne à l’étranger
Chaque année, la Fête du Drapeau fait vibrer dans le cœur des haïtiens de la diaspora une fierté sans pareille. Fierté d’être le premier peuple noir non pas à avoir réclamé son indépendance, mais à l’avoir acquise de façon stratégique.
La culture haïtienne connaît une évolution particulière sur le territoire américain. Dans diverses écoles publiques situées dans les quartiers où la majorité de la population est formée d’élèves venant des parents immigrés haïtiens, le bicolore haïtien est célébré à grande échelle. Le Mois de la Culture Haïtienne (Haitian Cultural Héritage) constitue un thème à part entière. Depuis notre sculpture et notre peinture en passant par notre artisanat, nos danses, notre musique qui nous propulsent de plus en plus au-devant de la scène internationale. Plusieurs activités culturelles ont eu lieu en Floride ces deux derniers weekends.
À l’école primaire de North Side (North Side Elementary School) situé à Fort Lauderdale, FL, les membres de cette communauté étaient invités le mercredi 17 mai à venir en famille, avec leurs amis et leurs voisins limitrophes, pour profiter d’une journée remplie de plaisir et d’activités éducatives et culturelles avec notamment de la poésie, divers performances musicales et de danse. L’objectif de la célébration de la Fête du Drapeau Haïtien dans des écoles publiques est de relever la fierté et le patriotisme haïtien en mettant en valeur la richesse de la culture haïtienne au sein de notre communauté du sud de la Floride durant la célébration du 214ème anniversaire du bicolore de la première République Noire du monde.

Sur la pelouse de l’ecole North Side
La fête du bicolore a revêtu différents aspects : soirées dansantes, veillées patriotiques, recueillement religieux, foire artisanale et artistique. De son côté, la communauté de Miami Dade a répondu également en grande pompe. Le commissaire Jean Monestime (district 2) et le comté de Miami Dade ont organisés le samedi 13 mai la 5eme édition de « Taste of Haïti Food & Cultural Festival) à Miami Dade College North Campus (lot-2), mettant en vedette de nouveaux poètes et diseurs. Il était à peu près 3 heures dans l’après-midi quand la cérémonie avait commencé en présence de plusieurs notables de la communauté haïtienne et de certains fonctionnaires de la ville de Miami Dade.
Des centaines de spectateurs haïtiens comme étrangers ont pris part à cette manifestation culturelle pendant plus de 7 heures de temps. En ce qui a trait à notre cuisine exceptionnelle, il y en avait pour tous les goûts. Nombreux étaient des restaurants ambulants qui servaient « griyot, banann peze, diri blan ak lalo ak krab, taso kabrit ak kodenn, kremas, mayi boukannen etc. » aux gens qui y étaient présents. Cette festivité à caractère purement culturelle était aussi l’occasion pour les participants d’apprécier l’artisanat haïtien à travers d’autres expositions ayant eu lieu tout l’après-midi.

Taste of Haiti 2017
Le commissaire Monestime et le Comté de Miami Dade ont offert une festivité culturelle bien élaborée qui a permis de faire ressortir la fierté Haïtienne au sein de notre communauté de Dade et de Broward, mettant ainsi en relief notre langue, notre culture et notre histoire. Félicitations aux organisateurs du Comté de Miami Dade qui ont consenti à injecter beaucoup d’énergie pour offrir au public cette magnifique manifestation culturelle placée sous le signe de la gaieté et la bonne humeur sur le pavé couvert d’une verdure abondante, de Miami Dade College à l’occasion de la Fête du Drapeau.
Parallèlement, jeudi 18 mai, l’hôtel de ville de Miramar, un environnement naturel de toute beauté, a présenté au Centre Culturel de Miramar (Miramar Cultural Center), un concert gratuit aux habitants de la ville, intitulé « Haitian Flag Day Celebration », au cours duquel un public nombreux a pu ainsi entendre et applaudir la charmante voix de la grande dame de la chanson haïtienne, Emeline Michel. Dans l’assistance, la présence des grands notables de la Mairie ne manquait pas de se faire remarquer. Parmi lesquels se trouvaient : le Magistrat Wayne M. Messam et la Conseillère Municipale Darline B. Biggs qui ont délivré le message de bienvenue aux participants, le Conseiller Municipal Maxwell B. Chambers et la Mairesse du Comté de Broward Barbara Sharief.

Emeline Michel 18 mai 2017
Sur un large podium, la diva haïtienne a interprété plusieurs chansons de son répertoire. Pendant une heure et demi de prestation, Emeline a fait une démonstration de sa parfaite maitrise de la scène pour charmer le public, comme elle en a l’habitude. Avec sa chanson « Lanmou se Flanm Ki Klere Devanm », Emeline a mis de la flamme dans les jambes de toutes les femmes. Notons aussi que la 18e édition de Compasfest prévue pour le weekend écoulé pendant 2 jours consécutifs (20-21 mai) à Bayfront Park, Downtown Miami, a aussi marqué comme à l’ordinaire la journée du bicolore haïtien.
Alors que la cérémonie officielle, tenue à l’Arcahaie, des défilées de Corps d’Honneur », dans la diaspora haïtienne, la commémoration du bicolore haïtien revêt un autre charme. En cette occasion, on fait un peu de tout ou de tout un peu, à la manière des haïtiens. Des festivités s’organisent partout dans les villes. Si la date tombe en weekend, on a l’embarras du choix pour décider d’où continuer la fête. Les groupes musicaux donnent des prestations à chaque coin de rue où résident nos compatriotes haïtiens.
Nous pouvons conclure le marché, en notant qu’on caractérise « une culture » par tout un ensemble d’habitudes et de représentations mentales, constituant les unes par rapport aux autres, un système original et se communiquant de manière invariable à tous les membres d’une certaine population. La culture d’une société donnée inclura la totalité des coutumes, des lois, des croyances, des formes d’art, de langage et de pensée d’une collectivité.