La plus grande menace pour notre société c’est l’ignorance. Toute faute vient d’une erreur; toute erreur a pour cause l’ignorance. La vraie nature de l’humain, c’est la raison, et croire conformément à la nature, c’est vivre conformément à la raison. Mais dans la raison même, on peut distinguer, d’une part, l’ordre qu’elle imprime à toutes choses, d’autre part, l’effort, la tension qui la constituent et dont l’ordre est la manifestation extérieure. Se place-t-on au premier point de vue qui est celui de l’intelligence, la vertu pour les stoïciens, c’est la logique, c’est à dire la conséquence, l’accord avec soi-même : le sage fait de sa vie un tout concordant et harmonieux comme une œuvre d’art. Se place-t-on au second point de vue, qui est celui de la volonté, la vertu, c’est la force ou le courage, l’effort de l’âme se ramassant tout entière sur soi et luttant contre les choses extérieures; et cette conception est surtout celte d’Épictète.
Découvrir est toujours une joie, quoi que l’on découvre, même sans chercher. L’ignorance renvoie à un manque d’information ou de connaissances. Elle se distingue de la stupidité qui est un manque d’intelligence, mais aussi de la naïveté qui est un manque de sagesse. Ces trois caractéristiques sont souvent confondues. « La connaissance donne le pouvoir » dit le vieux dicton anglais. Quelques individus trop conscients des vertus du savoir, s’emploient à taire certaines connaissances et à empêcher les autres d’y accéder, en vue de s’approprier un avantage peu équitable. Lorsque vous formez quelqu’un à une compétence spécifique ou que vous distribuez une information, ne comptez pas sur la transmission de ce savoir aux autres membres de la communauté.
Il est important d’identifier l’information manquante. La plupart des planificateurs et autres individus dotés de bonnes intentions œuvrant pour fortifier les communautés, pensent que la solution est dans l’éducation. Or, l’éducation a plusieurs sens. Ignorer, c’est le fait de ne pas savoir. L’ignorance est donc un défaut de connaissance vraie. Dès lors dans une logique qui serait celle de la recherche de la vérité et de l’acquisition du savoir, l’ignorance représenterait une déficience, une altération, voire un échec qu’il faudrait condamner comme une faute, le bien étant ici la certitude ou le savoir. De même, en matière de morale, l’ignorance peut être préjudiciable à l’harmonie de la communauté car si on est ignorant des conséquences de ses actes, on peut alors être jugé inconscient ou irréfléchi.
QUELQUES CITATIONS RELATIVES À L’IGNORANCE :
• Socrate : « je ne sais qu’une chose c’est que je ne sais rien ».
• Platon fait dire à Socrate dans le Second Alcibiade : »… nous avons tort de blâmer ainsi l’ignorance à la légère, sans ajouter que c’est l’ignorance de certaines choses… ».
• Jérôme Touzalin : « La foi repose toujours sur l’ignorance ».
• Matthieu Ricard : « L’ignorance est une méprise accidentelle, un oubli soudain qui ne change rien à la nature ultime de l’esprit, mais crée une chaîne d’illusions, comme le cauchemar ne change rien au fait que l’on est confortablement allongé dans le lit mais n’en peut pas moins engendrer une grande souffrance mentale. » (Le Moine et le Philosophe)
On distingue :
• L’ignorance savante, c’est celle de celui qui « sait qu’il ne sait pas »
• L’ignorance profonde c’est celle de celui qui « ne sait pas qu’il ne sait pas ».
Dans la langue allemande, on distingue l’ignorance fortuite, « das Nichtwissen » (le non savoir), de l’ignorance volontaire, « das Totschweigen » (le fait de passer sous silence). Cette proposition est discutable. En allemand, « Ignoranz » peut signifier aussi une sorte d’inculture assumée, entachée d’obscurantisme et de trivialité.
Selon la philosophie antique, pour faire sortir les athéniens de leur ignorance, en leur permettant d’accoucher de leurs connaissances (maïeutique), Socrate passait par la pratique du dialogue dans la rue. Il utilisait notamment l’ironie, double feinte par laquelle il faisait semblant de ne pas savoir, tout en feignant de croire que son interlocuteur savait. Cette ironie permettait à Socrate de laisser son interlocuteur se rendre compte par lui-même de ses contradictions ou incohérences de raisonnement. En effet, celui qui vit sans réflexion ni introspection est parfois atteint d’une « double ignorance » qui est le fait de ne pas savoir et de vivre dans l’illusion qu’il sait : « Non seulement tu ignores les choses les plus importantes, mais tu crois les savoir » disait Socrate à Alcibiade.
Dans l’allégorie de la caverne, Platon donne une représentation imagée de « l’état de notre nature relativement à l’instruction et à l’ignorance ». Selon cette allégorie, la démarche du philosophe consiste tout d’abord à prendre conscience de son ignorance, en prenant du recul par rapport à ses préjugés et opinions (doxa). Puis il apprend à distinguer ce qui est réel de ce qui est apparent ou illusoire, en s’élevant progressivement vers le monde des Idées ou des Formes intelligible en utilisant la méthode dialectique.