UN DICTATEUR QUI A MIS SON PAYS À GENOUX EST MORT


Par Rosie Bourget et Claudy B. Auguste

funerailles de jean-claude Duvalier
De Staline en Russie, des Duvalier en Haïti à Pinochet au Chili, il y a au moins une chose que nous ayons appris des dictateurs. Malgré les choses terribles qu’ils font souvent envers leur peuple, leur passage au pouvoir a un impact significatif sur la vie de leurs victimes.
Mais pourquoi appelle-t-on le bras de fer Jean-Claude Duvalier « l’ex-dictateur » ? « Once a criminal, always a criminal », un criminel reste un criminel. Les exilés, les soi-disant prisonniers politiques torturés à Fort dimanche, les images sidérantes montrant le dictateur « Baby Doc » jetant des billets de 2 à 50 gourdes à la foule depuis les fenêtres de sa Mercédès # 1 marqueront à jamais les esprits de ses victimes.

Jean-Claude Duvalier, arrivé au pouvoir dans les conditions que nous connaissons, avait toutes les chances de faire de notre pays une vraie perle des Antilles. Il était aimé, adulé par la population qui voyait en lui une rupture avec les méthodes expéditives qu’utilisait son père pour faire taire les opinions contraires.

Si les faucons du régime qui s’appuyaient sur la présence de sa mère, n’étaient pas trop présents dans les couloirs de l’administration, il aurait été passé pour l’un des plus grands présidents qu’Haïti n’ait jamais connus. « Fils authentique »? Il n’était pas de notre monde. Il a connu la gloire à sa naissance. Fils d’ancien ministre et de président de la République.

Accusé d’avoir détourné plus de 100 millions de dollars de fonds publics lorsqu’il était au pouvoir avec son ancienne épouse, le dictateur, criminel notoire haïtien Jean-Claude Duvalier ci-devant «Baby Doc» pour les intimes qui a régné de 1971 à 1986 et décédé samedi 4 octobre 2014 dans son pays natal Haïti à 63 ans d’une crise cardiaque, dit-on, provoquée en partie par une tarentule mordre.
Manipulable et manipulé, Jean-Claude Duvalier prend les rênes du pouvoir en Haïti à 19 ans en 1971, à la suite de la mort de son père le Dr. François Duvalier qui était à la tête du pays depuis 1957. Au début de sa présidence, de 1973 à 1975, Jean-Claude Duvalier prône la fraternité. Mais très rapidement cette tentative de prédicateur a pris une autre ampleur, le régime a changé de ton. Dès les années 1980, une mouche a piqué le dictateur qui brusquement a changé son fusil d’épaule.
Alors que la justice haïtienne venait d’ordonner, il y a quelques mois, une enquête sur les crimes contre l’humanité imputés à l’ancien dictateur, il est décédé sans avoir été juge. À l’issue de cette enquête, la décision devait être prise de poursuivre ou non l’ancien dictateur. Depuis son retour, de nombreuses plaintes avaient été déposées contre lui, pour arrestations illégales, torture, emprisonnement et exil forcé de ses opposants, mais aussi détournements de fonds. Aucun procès n’avait pu être organisé jusqu’à date. Le people a raté la chance de trouver justice.
La Radio Nationale, inaugurée en 1978, avec comme pour premier directeur, le professeur Rémy Mathieu, annonçait la détente. Les abus des militaires et des makouts étaient fréquemment dénoncés. Mais les vautours, vieille garde de l’avant-veille de la Révolution de 1957, s’il en était vraiment une, voyaient cette ouverture « démocratique » d’un mauvais œil. Silvio Claude en a pris le devant pour former le PDCH. Ses ennuis ont commencé avec l’étau qui se resserrait.

L’Administration Carter exigeait des réformes. Elle parlait d’élections et Duvalier lui donnait des préoccupations par le relâchement de nos côtes. Les boat-people envahissent la Floride. Carter perd les élections. Les Duvaliéristes ont salué l’arrivée des républicains à la Maison-Blanche. Mauvais calcul. Les menaces du spectre du communisme, le leitmotiv du régime, ne font plus peur aux Américains. Ils exigent une alternance politique. Vatican fait le jeu. Jean-Paul II négocie le Concordat de 1860. Jean-Claude Duvalier y renonce. Crétinisme qu’il est. Le pape autorise son mariage religieux avec une divorcée et il fait brièvement escale à Port-au-Prince. Ernest Bennet fait concurrence aux Brandt.

Arrivé en 1985, il a attendu trop longtemps pour amender la Constitution, puis après une séance-marathon où « la Chambre J’approuve » acquise à sa cause, le principe d’un Premier-Ministre fut accepté. Trop tard. Gonaïves, toujours à l’avant-garde, demande la tête du chef. Le chef des Tontons Makout, le chef Suprême.
Dès les années 1980, la presse est censurée et les exactions des « VSN », Volontaire de la Sécurité Nationale, une milice qui faisait déjà régner la terreur en Haïti sous la présidence de son père se perpétuent. Des milliers d’opposants sont torturés et massacrés. Dominant un peuple totalement muselé, le plus jeune chef d’État au monde circule librement en toute impunité au pillage des ressources de son pays.
Jean-Claude Duvalier et sa distinguée ancienne épouse la fameuse Michèle Bennett sont accusés d’avoir détourné plus de 100 millions de dollars de fonds publics lorsqu’ils étaient au pouvoir. Ces détournements laissent le pays exsangue et provoquent, dès 1984, les premières émeutes de la faim.
Dès l’annonce du décès du dictateur par la ministre de la Sante Publique, Mme. Florance Duperval, le peuple haïtien se sent soulager que le dictateur ne soit plus de ce monde, du coup, il éprouve un grand regret qu’il n’ait pas pu répondre de ses crimes devant la justice. Les auteurs de ce billet présentent leurs sincères sympathies à tous ceux qui ont subi les arrestations arbitraires, les tortures, la déshumanisation, l’emprisonnement, leur détermination de lutter pour obtenir justice. Aussi, aux individus qui ont porté disparus sans que personne n’ose poser de questions pour savoir si ces citoyens avaient été arrêtés, tués ou si, par chance, ils avaient pu prendre l’exil. Nous profitons de la mort du dictateur pour rendre hommage à ces personnes disparues. Étant ambassadrice de la justice sociale, l’auteure (votre servante) éprouve le regret que Duvalier ne puisse pas répondre de ces crimes commis sous son régime.
Certes, on ne se réjouit pas de la mort de quelqu’un. Qu’il soit un dictateur ou une personne de calibre Mère Theresa, c’est quand même un humain. Sur les réseaux sociaux, on pourrait constater que certains internautes ont insulté sans ménagement Jean-Claude Duvalier, et ont pris un vilain plaisir à se réjouir de son départ impromptu. Il n’y a pas de doute que Jean-Claude Duvalier est un criminel notoire, personne ne peut l’ignorer. Y compris le détournement de fond effectué par sa famille et des aides versées à l’État haïtien sous le couvert d’œuvres sociales. Cependant, il reste et demeure un président qui a marqué l’histoire d’Haïti à sa manière. Donc, étant donné son statut d’ancien chef d’État du pays, il a droit à des funérailles officielles/nationales. L’annonce du décès de l’ancien dictateur nous laisse un goût amer. Parti trop tôt pour l’au-delà, une chose est sûre, le tyran du siècle ne sera jamais puni par la justice pour les exactions commises par son régime.
Duvalier est lâché et devient un objet indésirable. La France, le tombeau des dictateurs lève son petit doigt. Elle veut sa part du gâteau. Est-ce que la mort de Jean-Claude, finalement, fera taire toutes les passions, toutes les haines du régime. Qui va-t-on juger maintenant? Qui paiera pour eux? Verrons-nous encore en Haïti des régimes duvaliéristes sans les Duvalier?

Monsieur le président à vie, son excellence Jean-Claude Duvalier. Nous aurions souhaité que votre départ soit léger si vous aviez eu le temps de faire appel à votre conscience pour voir ce que vous auriez pu faire pour le pays et pourquoi vous ne l’aviez pas fait. Aujourd’hui, vous faites face à votre Juge. Le Grand, le Vrai SUPREME. LUI, il est A VIE. ETERNEL. C’est par LUI que tout pouvoir vous a été donné.

En vous rappelant Monsieur le Président à Vie, qu’on meurt partout, A Fort-Dimanche, au Pénitencier National, dans les Casernes Dessalines, à Fort Lamentin, au Cafeteria, au Palais National, à Cité Soleil, à Sainte-Hélène, à Raboteau, à la Fossette, à la maison, au lit chez des amis…Les Sansaricq meurent, les Benoit, les Duvalier aussi (père et fils). Pour la patrie et pour contrecarrer la dictature mourir est beau, alors vous voyez, nous mourrons tous, et ceci sans exception. La mort n’épargne personne, disons mieux, personne n’est au-dessus de la mort.

Que l’on soit Président à vie, Président d’une vie, simple citoyen, prisonniers politiques, opposants, journalistes, artistes engagés pour ne citer qu’eux, on meurt quand même. Tout comme vos victimes, que votre âme repose en paix Monsieur le Président à vie ! Que la paix et la fraternité règnent au sein de nos frères haïtiens que vous aviez divisés pour mieux régner ! Qu’ils soient capables de vous pardonner pour leur avoir fait souffrir ! Que la terre vous soit légère !

r_bourget@yahoo.com
claudyauguste@gmail.com

4 réflexions sur “UN DICTATEUR QUI A MIS SON PAYS À GENOUX EST MORT

Laisser un commentaire